Risque élevé avec recommandation de coloscopie

Gustave Austin
9 mars 2023
15 min de lecture
Mis à jour le 9 mars 2024

Risque élevé avec recommandation de coloscopie

Antécédent familial de CCR ou d’adénome        

Les antécédents familiaux de CCR et d’adénome augmentent le risque d’être atteint d’un CCR. L’augmentation du risque de CCR chez les parents au 1er degré d’une personne atteinte de CCR est probablement la conséquence de facteurs génétiques transmis héréditairement (de faible pénétrance), mais aussi de facteurs de risque environnementaux communs (même mode de vie) et de l’interaction entre facteurs génétiques et environnementaux communs.

Le risque de CCR est plus important chez les apparentés d’une personne atteinte de cancer du colon (x 2,42) que lorsqu’elle est atteinte de cancer du rectum (x 1,89).

Le risque familial de CCR varie considérablement selon :

le degré de parenté

  • le risque de CCR n’est significativement augmenté que lorsque le parent atteint de CCR est lié au 1er degré : père, mère, frère, sœur, enfant. Dans ce cas, le risque de CCR est le double de celui de la population générale (x 2,25 dans la méta-analyse de Johns).

  • Lorsque c’est un parent au 2ème degré qui est atteint de CCR (grand parent, oncle, tante), le risque de CCR n’est que légèrement augmenté : 1,3 à 1,5 fois celui de la population générale.

le nombre de parents atteints

  • lorsqu’une personne a 2 parents au 1er degré atteints de CCR, le risque d’être atteint de CCR est multiplié par 4 ou 5.

l’âge de survenue du CCR chez le parent atteint

  • lorsqu’un parent est atteint de CCR avant 45 ans, le risque de CCR chez les apparentés au 1er degré est multiplié par 4 ou 5.

  • lorsqu’un parent est atteint de CCR entre 45 et 60 (ou 65) ans, le risque de CCR chez les apparentés au 1er degré est multiplié par 2 ou 3.

  • lorsqu’un parent est atteint de CCR après 60 (ou 65) ans, le risque de CCR chez les apparentés au 1er degré est légèrement augmenté, de l’ordre de 1,5 fois celui de la population générale.

le fait que le parent était atteint de CCR ou d’adénome

  • lorsqu’un parent est atteint de CCR, le risque de CCR chez les apparentés au 1er degré est multiplié par 2.

  • De même, lorsqu’un parent est atteint d’adénome, le risque de CCR chez les apparentés au 1er degré est multiplié par 2. Ce risque varie selon la taille de l’adénome et l’âge de survenue de l’adénome chez le parent.

L’augmentation du risque de CCR en cas d’antécédent familial de CCR d’adénome justifie un dépistage par coloscopie. Les recommandations sur les modalités de dépistage diffèrent quelque peu selon les sociétés savantes :
 

France (ANAES 2004)

USA (AGA 2003)

  • 1 parent 1er degré atteint CCR (ou adénome) < 60 ans

  • 2 parents 1er degré atteints CCR quel que soit l’âge

Coloscopie à 45 ans (ou 5 ans avant l’âge du diagnostic de CCR (ou d’adénome) chez le parent atteint)

Coloscopie à 40 ans (ou 10 ans avant l’âge du diagnostic de CCR (ou d’adénome) chez le parent atteint)

1 parent 1er degré atteint CCR > 60 ans

Pas de recommandation

Idem risque moyen mais à partir de 40 ans

1 parent 2e degré atteint CCR > 60 ans

Pas de recommandation

Idem risque moyen mais à partir de 40 ans

Recommandations pour le dépistage du CCR par coloscopie en cas d’antécédent familial de CCR ou d’adénome


Antécédent personnel de CCR        

Une personne atteinte de CCR court le risque d’avoir ultérieurement un 2ème cancer colorectal (appelé cancer métachrone). Le risque de 2ème cancer est diversement apprécié, évalué entre 1,3 % et 5,3 % selon les études. Ce risque est d’autant plus élevé que l’âge au diagnostic du 1er cancer était plus jeune. Ce risque de 2ème cancer justifie une surveillance régulière par coloscopie.

recommandations de l’ANAES (2004)

« Après chirurgie d’exérèse d’un cancer colorectal : si la coloscopie avant l’intervention n’a pas été complète : une coloscopie de contrôle est recommandée dans les 6 mois (accord professionnel), puis à 2-3 ans, puis à 5 ans, si elle est normale.
 
Si la coloscopie avant l’intervention a été complète : une coloscopie de contrôle est recommandée à 2-3 ans, puis à 5 ans, si elle est normale (grade B). Après 3 coloscopies normales, le rythme de surveillance peut être espacé. Lorsque l’espérance de vie estimée est inférieure à 10 ans, la surveillance peut être interrompue (accord professionnel). »

Antécédent personnel d’adénome        

Les personnes ayant un adénome colorectal ont un risque de CCR augmenté par rapport à la population générale. Ce risque augmente avec la taille et le nombre des adénomes et est plus important lorsque l’adénome a un contingent villeux que lorsqu’il est tubuleux. Le risque de CCR est multiplié par 3,6 en cas d’adénome de plus de 1 cm ou de structure villeuse et par 6,6 en cas d’adénomes multiples. Par contre, le risque de CCR n’est pas supérieur à celui de la population générale en cas d’adénome de taille inférieure à 1 cm.

Il est actuellement bien démontré que la résection endoscopique des adénomes (polypectomie) et la surveillance par coloscopie permettent de diminuer de 50 % à 80 % l’incidence du CCR.

Le risque élevé de CCR en cas d’adénome justifie une surveillance régulière par coloscopie. Les recommandations sur les modalités de surveillance varient légèrement selon les sociétés savantes.

Dernières recommandations françaises (ANAES 2004)

« En cas de doute sur le caractère complet de l’exérèse endoscopique ou en cas de confirmation histologique du caractère incomplet de l’exérèse d’un adénome en dysplasie de bas grade (catégorie 3 de la classification de Vienne) ou d’un adénome avancé de catégorie 4.1 et 4.2 de la classification de Vienne, un contrôle coloscopique à 3 mois est recommandé (accord professionnel).

En cas d’exérèse complète à la coloscopie, un contrôle est recommandé à 3 ans en cas d’adénome avancé (grade B) ; ou d’un nombre d’adénomes ≥ 3 (grade B) ; ou d’adénome chez un patient ayant un antécédent familial de cancer colorectal (grade B). Si la coloscopie à 3 ans est normale, une coloscopie de contrôle à 5 ans est recommandée (grade C). Après 2 coloscopies de surveillance normales, séparées de 5 ans, une surveillance à 10 ans est recommandée (accord professionnel).
Soit après T 0 (temps de l’exérèse), une surveillance à : T 3 (ans) puis T 8 (ans) puis T 13 (ans) puis T 23 (ans).

Dans tous les autres cas (adénome non avancé, en nombre inférieur à 3 et en l’absence d’antécédent familial de cancer colorectal), un premier contrôle par coloscopie est recommandé à 5 ans (grade C). Après 2 coloscopies de surveillance normales, séparées de 5 ans, une surveillance à 10 ans est recommandée (accord professionnel).
Soit après T 0 (temps de l’exérèse), une surveillance à : T 5 (ans) puis T 10 (ans) puis T (20 ans).

La surveillance des adénomes plans et des adénomes festonnés ne diffère pas de celle des adénomes en dysplasie de bas grade ou des adénomes avancés (grade C), c'est-à-dire une coloscopie de contrôle à 3 ou 5 ans selon la taille, l’existence d’un contingent villeux > 25 %, le degré de dysplasie, le nombre et la présence d’un antécédent familial de cancer colorectal (accord professionnel). »


Acromégalie        

Le risque de CCR est augmenté chez les personnes atteintes d’acromégalie, 2 à 3 fois supérieur à celui de la population générale.

Les recommandations françaises (ANAES 2004) s’appuient sur la réalisation d’une coloscopie au moment du diagnostic d’acromégalie.

Polyposes (autres que la PAF)        

Les polyposes sont des maladies caractérisées par le développement de multiples polypes dans le tube digestif. Il en existe autant de variétés différentes que de polypes différents. Ce sont des maladies très rares qui se distinguent en polyposes héréditaires (familiales) et non héréditaires :

Polyposes héréditaires

  • PAF / syndrome de Gardner / syndrome de Turcot

  • polypose juvénile

  • syndrome de Peutz-Jeghers

  • polypose héréditaire mixte

  • maladie de Cowden

  • syndrome de Bannayan – Riley – Ruvalcaba

  • neurofibromatose

Polyposes non héréditaires

  • polypose hyperplasique

  • polypose adénomateuse festonnée

  • syndrome de Cronkhite-Canada

  • polyposes conjonctives

  • polyposes lymphoïdes

  • polyposes inflammatoires

  • pneumatose kystique


Le risque de CCR est très élevé dans la PAF et élevé dans les polyposes soulignées ci-dessus. Les autres polyposes n’induisent pas de risque élevé de CCR.

Polyposes héréditaires (familiales)

  • Polypose juvénile

La polypose juvénile est caractérisée soit par la présence de plus de 3 à 10 polypes juvéniles dans le colon, soit par la présence de polypes juvéniles dans tout le tube digestif, soit par la présence de polypes juvéniles chez une personne ayant des antécédents familiaux de polypose juvénile. C’est une maladie héréditaire à transmission autosomique dominante. Elle induit un risque élevé de CCR, évalué entre 10 et 38 %, mais aussi de cancer gastrique et duodénal, évalué entre 15 et 21 %. L’âge moyen de survenue du CCR est de 34 ans. Dans la moitié des cas une mutation du gène SMAD 4 est présente.

Recommandations de l’ANAES 2004

« chez les membres de la famille d’un sujet atteint de polypose juvénile, une coloscopie totale dès l’âge de 10-15 ans, ou plus tôt en cas de symptômes, est recommandée tous les 2-3 ans (grade C). Chez le sujet atteint par la polypose juvénile, le rythme de la surveillance par coloscopie est identique ».

Pour en savoir plus

  • Syndrome de Peutz-Jeghers

Ce syndrome est caractérisé par la présence de polypes hamartomateux sur l’ensemble du tube digestif associée à une pigmentation labile (lentiginose) des lèvres, de la muqueuse buccale, de la région anale et des doigts. Le diagnostic clinique est établi soit lorsqu’il existe 2 polypes de Peutz-Jeghers ou plus dans le tube digestif, soit un polype de Peutz-Jeghers associé à une lentiginose ou à une histoire familiale de syndrome de Peutz-Jeghers. C’est une maladie héréditaire à transmission autosomique dominante. Elle induit un risque élevé de CCR évalué entre 10 et 20 % mais aussi d’autres cancers (ovaire, testicule, pancréas…). Dans 40 à 60 % des cas une mutation du gène STK 11 est présente.

Recommandations de l’ANAES 2004

« chez les membres d’une famille atteinte de syndrome de Peutz-Jeghers, en l’absence de symptômes, la surveillance par coloscopie totale est recommandée à partir de 18 ans (grade C), puis tous les 2-3 ans. Chez le sujet atteint par un syndrome de Peutz-Jeghers, le rythme de la surveillance par coloscopie sera identique »

Pour en savoir plus

  • Polypose héréditaire mixte

La polypose héréditaire mixte est caractérisée par le développement de multiples polypes juvéniles atypiques et de polypes adénomateux dans le colon et le rectum. Les polypes juvéniles sont atypiques au sens où ils ont un contingent cellulaire mixte, en partie adénomateux, qui comporte un risque de transformation maligne. Le gène responsable na pas encore été identifié mais il est localisé sur le bras long du chromosome 6. Il n’y a pas de recommandation spécifique pour le dépistage du CCR dans le cadre de cette polypose.

Pour en savoir plus

Polyposes non héréditaires (non familiales)

  • Polypose hyperplasique

La polypose hyperplasique est caractérisée par la présence d’au moins 5 polypes hyperplasiques en situation proximale (colons transverse et droit) dont 2 de plus de 10 mm ; ou quel que soit leur nombre, la présence de plusieurs polypes hyperplasiques de siège proximal chez un patient avec un antécédent familial au 1er degré de polypose hyperplasique ; ou la présence de plus de 30 polypes hyperplasiques quelle que soit leur taille siégeant sur l’ensemble du colon. Quelques cas de formes familiales ont été décrits.

C’est une maladie rare décrite récemment. Les polypes hyperplasiques sont fréquemment associés à des polypes adénomateux, festonnés ou mixtes et le risque de CCR est élevé. Il n’y a pas de recommandation spécifique pour la surveillance de cette polypose.

  • Polypose adénomateuse festonnée

Récemment décrite, cette polypose induit elle aussi un risque élevé de CCR sans que des recommandations spécifiques de surveillance n’aient été établies. Là aussi, quelques cas de formes familiales ont été décrits.

Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin : Rectocolite hémorragique et maladie de Crohn         

Le risque de cancer colorectal (CCR) est augmenté au cours des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) : rectocolite hémorragique (RCH) et maladie de Crohn (MC).

Ce risque concerne les portions de rectum et de colon atteintes par l’inflammation et l’apparition du cancer suit la séquence inflammation – dysplasie – cancer. Les CCR compliquant une MICI ne représentent qu’ 1 à 2 % des CCR.

Rectocolite hémorragique

  • Risque de CCR

Le risque de CCR au cours de la RCH varie en fonction d’un certain nombre de facteurs, les deux plus importants étant la durée d’évolution et l’étendue de la maladie : une méta analyse a évalué le risque de CCR à 2 % après 10 ans d‘évolution, 8 % après 20 ans et 18 % après 30 ans. Le risque relatif de CCR est de 1,7 en cas d’atteinte limitée au rectum, de 2,8 en cas d’atteinte limitée au colon gauche et de 14,8 en cas de pancolite.

D’autres facteurs augmentent le risque de CCR au cours de la RCH :

  • l’âge précoce de début de la maladie :

  • l’association à une cholangite sclérosante primitive

  • la présence d’une sténose

  • l’existence d’un antécédent familial de CCR


Au contraire, certains facteurs diminuent le risque de CCR :

  • la colectomie prophylactique

  • la surveillance endoscopique

  • le traitement par salicylés

  • le traitement par acide ursodésoxycolique

  • la supplémentation en acide folique

  • Dépistage du CCR

Au cours de la RCH, le dépistage du CCR est fondé sur la coloscopie. Elle a pour objectif de détecter la dysplasie, véritable lésion précancéreuse, ou le cancer à un stade précoce. Cette stratégie de surveillance endoscopique pose plusieurs problèmes :

  • elle est contraignante : une colocopie tous les 2 ou 3 ans

  • elle est difficile : le diagnostic de dysplasie est très difficile et nécessite le recours à un pathologiste expert

  • et son efficacité réelle n’est pas prouvée (absence d’étude prospective randomisée).

L’efficacité de cette stratégie de surveillance est relativement modeste : elle permet le diagnostic de CCR à un stade plus précoce ce qui offre une meilleure survie qu’en l’absence de surveillance.

Maladie de Crohn

Le risque de CCR est augmenté dans la MC colique mais les facteurs de risque sont moins clairement établis que pour la RCH : l’âge précoce de début de la maladie, l’étendue de l’atteinte colique (pancolite) et la présence d’antécédents familiaux de CCR augmentent le risque de CCR au cours de la MC.
 

Recommandations de dépistage (prévention du CCR au cours des MICI, RCH et Crohn)


La surveillance repose sur la réalisation périodique d’une coloscopie en période asymptomatique (en dehors d’une poussée inflammatoire).

Recommandations de l’ANAES (avril 2004)

« En cas de colite chronique de type rectocolite ulcéro-hémorragique ou maladie de Crohn une surveillance endoscopique à la recherche de lésions néoplasiques et recommandée après 10 ans d’évolution en cas de pancolite (grade B) et après 15 ans d’évolution en cas de colite gauche (grade B), au rythme d’une coloscopie totale tous les 2-3 ans (grade B). Il est recommandé de réaliser des biopsies étagées tous les 10 cm de façon à obtenir un minimum de 30 biopsies (grade C).

Les données de la littérature ne permettent pas de préconiser le recours systématique à la chromo-endoscopie pour diminuer le nombre de biopsies. Elle est utile au ciblage de biopsies supplémentaires sur des anomalies de relief pour le diagnostic de dysplasie (accord professionnel).
En cas de dysplasie incertaine, un contrôle endoscopique avec biopsies est recommandé à 6 mois (accord professionnel).

En cas de dysplasie de bas grade et de haut grade (catégories 3 et 4 de la classification de Vienne), il est recommandé de confirmer le diagnostic par un deuxième avis anatomopathologique avant la décision thérapeutique (grade C).

En cas de lésion polypoïde, il est recommandé de biopsier la lésion et la muqueuse plane adjacente, ceci permettant de rapporter cette lésion soit à un adénome sporadique (muqueuse adjacente saine), soit à une dysplasie associée à une masse (DALM – dysplasia-associated lesion or mass) (grade C). »

En cas de cancer, de DALM, de dysplasie de bas ou de haut grade confirmée par un pathologiste expert une colectomie (ou mieux une coloproctectomie) totale est proposée. En cas de dysplasie de bas grade, certains proposent de refaire une coloscopie à 6 mois et de ne réaliser la colectomie que si la dysplasie est confirmée.

Une colectomie prophylactique peut être proposée lorsque le risque de CCR est élevé (personne jeune, colite étendue et ancienne, cholangite sclérosante associée, antécédent familial de CCR), si la surveillance endoscopique est refusée ou difficile (forêt de pseudopolypes, sténose) ou si les poussées inflammatoires sont sévères, fréquentes et difficiles à traiter.

La place de la chémoprévention (salicylés, acide ursodésoxycolique, acide folique) pour diminuer le risque de CCR dans les MICI reste à préciser par des études prospectives.

Gustave Austin
Auteur
Gustave Austin

Je suis Gustave Austin, professeur à l'Université de Lorraine spécialisé en physiologie et contrôle de l'équilibre. Je travaille également en tant que médecin en oto-rhino-laryngologie à l'hôpital universitaire de Nancy, en France. Mes recherches portent sur l'évaluation des modifications des stratégies de contrôle de l'équilibre en fonction de facteurs tels que le vieillissement, l'activité physique, les maladies, la susceptibilité au mal des transports, la gestion des tâches multiples et les programmes de rééducation.